Le métabolisme des acides gras volatils (AGV) est crucial pour la santé et la performance du cheval. Ces composés organiques à chaîne courte, principalement l'acétate, le propionate et le butyrate, sont produits par la fermentation microbienne dans le gros intestin, jouant un rôle central dans l'approvisionnement énergétique et la santé digestive de l'équidé. Comprendre ce métabolisme complexe permet d'optimiser la nutrition équine et de prévenir certaines pathologies.
Production d'AGV dans le tractus digestif équin
La production des AGV est un processus dynamique influencé par de nombreux facteurs, dont l'anatomie unique du système digestif du cheval, le type d'alimentation, la composition et l'activité de la flore microbienne intestinale, et le temps de transit digestif. Chez le cheval, le cæcum et le côlon représentent les principaux sites de fermentation microbienne.
Anatomie et physiologie du tube digestif équin et production d'AGV
Le cæcum du cheval, une large poche de fermentation d'une capacité approximative de 25 à 40 litres, et le côlon, constitué du côlon ventral droit, du côlon ventral gauche, du côlon dorsal gauche, du côlon dorsal droit et du côlon transverse, abritent une flore microbienne diversifiée. La surface de contact importante de la muqueuse intestinale dans ces régions favorise l’absorption des AGV produits par la fermentation. Cette surface est estimée à environ 20 m². La longueur totale du côlon est d'environ 7 à 10 mètres. Le temps de transit intestinal varie considérablement selon la nature de la ration et peut aller de 12 à 72 heures.
Processus de fermentation et production d'AGV
Les micro-organismes présents dans le cæcum et le côlon fermentent les glucides complexes de l'alimentation, principalement la cellulose et l'hémicellulose, non digestibles par les enzymes digestives du cheval. Ce processus de fermentation anaérobie produit des AGV, ainsi que du dioxyde de carbone, du méthane et de l'hydrogène. La composition exacte des AGV produits dépend de la composition de la flore microbienne, qui elle-même est influencée par des facteurs diététiques et environnementaux.
- L'acétate, le principal AGV produit, représente environ 60 à 70 % du total.
- Le propionate constitue 15 à 20 % des AGV.
- Le butyrate représente 10 à 15 %.
- De plus petites quantités d'autres AGV comme le valérate et l'isovalérate sont également produites.
Influence du régime alimentaire sur la production d'AGV
Le régime alimentaire exerce une influence majeure sur la composition et la quantité d'AGV produits. Une alimentation riche en fourrages, notamment en foin de bonne qualité, favorise la production d'acétate, principalement utilisé pour la lipogenèse et la production d'énergie. Un régime plus riche en concentrés, en revanche, peut augmenter la proportion de propionate, crucial pour la néoglucogenèse hépatique. Des rations déséquilibrées peuvent mener à une augmentation de l'acide lactique et à une acidose lactique, affectant significativement la santé digestive du cheval. Des études ont montré que des rations contenant 15% à 20% de concentrés permettent une production optimale d’AGV. Une ration trop riche en concentrés favorise une augmentation de la production d'acide lactique, entraînant une diminution du pH cecal, pouvant mener à une acidose lactique.
Absorption et transport des AGV
Une fois produits, les AGV doivent être absorbés par la muqueuse intestinale pour être métabolisés. L'efficacité de l'absorption joue un rôle crucial dans l'utilisation énergétique des AGV et la santé digestive globale du cheval.
Mécanismes d'absorption des AGV
L'absorption des AGV se déroule principalement au niveau du cæcum et du côlon par diffusion passive. L'acétate et le butyrate sont absorbés plus facilement par diffusion passive que le propionate, qui nécessite un système de transport actif dépendant de l'énergie. La vitesse d'absorption dépend de plusieurs facteurs, incluant la concentration des AGV dans le lumen intestinal, le pH luminal, et la surface d'absorption disponible.
Transport des AGV dans la circulation sanguine
Les AGV absorbés passent dans la circulation sanguine porte, rejoignant le foie via la veine porte. Une partie des AGV circule librement dans le plasma, tandis qu'une autre partie se lie à des protéines plasmatiques, notamment l'albumine. Cette liaison à l'albumine permet un transport plus efficace et une meilleure distribution dans l'organisme.
Impact de la concentration en AGV sur le foie et autres organes
Des niveaux élevés d'AGV dans le sang, pouvant résulter d'une production excessive ou d'une absorption altérée, peuvent surcharger le foie et affecter sa fonction. Une acidose métabolique peut survenir en cas d'excès de propionate. Inversement, des concentrations faibles d'AGV peuvent engendrer un déficit énergétique, influençant négativement les performances du cheval. Un faible niveau de butyrate, particulièrement important pour la trophicité de la muqueuse du côlon, peut rendre le cheval plus sujet aux troubles digestifs. Le butyrate représente une source énergétique importante pour les cellules de la paroi du gros intestin (environ 70% de l'énergie des cellules du colon). Une carence peut entraîner une inflammation du colon.
Métabolisme hépatique et périphérique des AGV
Les AGV absorbés sont métabolisés par le foie et les tissus périphériques, contribuant à la production d'énergie et à la synthèse de molécules importantes pour le métabolisme du cheval.
Métabolisme de l'acétate
L'acétate est principalement métabolisé dans les tissus périphériques, notamment le muscle et le tissu adipeux. Il est converti en acétyl-CoA, un précurseur essentiel pour le cycle de Krebs (cycle de l'acide citrique), permettant la production d'ATP (adénosine triphosphate), la principale source d'énergie cellulaire. L'acétate est également impliqué dans la synthèse des acides gras et des lipides. Environ 70% de l'acétate est utilisé directement dans les tissus périphériques.
Métabolisme du propionate
Le propionate est majoritairement métabolisé dans le foie. Il est converti en succinyl-CoA, un intermédiaire du cycle de Krebs. Le propionate est un précurseur glucogène important, contribuant significativement à la néoglucogenèse, la synthèse de glucose à partir de précurseurs non glucidiques. Ce processus est vital pour maintenir une glycémie stable chez le cheval, surtout pendant l'effort physique.
Métabolisme du butyrate
Le butyrate est rapidement absorbé par la muqueuse intestinale et oxydé pour produire de l'énergie. Il est une source énergétique majeure pour les cellules de la paroi du gros intestin, contribuant à leur fonctionnement et à leur intégrité. Il joue un rôle important dans la prévention des maladies inflammatoires intestinales. Environ 70% de l'énergie des cellules du colon provient du butyrate.
Interactions métaboliques entre AGV et autres substrats énergétiques
Le métabolisme des AGV est étroitement lié à celui des glucides, des protéines et des lipides. Les AGV peuvent interagir avec ces autres substrats énergétiques, influençant leur métabolisme et leur utilisation par l'organisme. Par exemple, un apport élevé en glucides peut modifier la production et l'utilisation des AGV. Cette interaction complexe dépend de nombreux facteurs, dont la composition du régime alimentaire, l'état physiologique du cheval (repos, effort) et le type d'entraînement.
Métabolisme des AGV dans les tissus périphériques
Les tissus périphériques, comme le muscle squelettique et le tissu adipeux, métabolisent activement les AGV. L'acétate est un substrat majeur pour la lipogenèse dans le tissu adipeux, contribuant au stockage des réserves énergétiques. Dans le muscle, les AGV, notamment l'acétate et le butyrate, fournissent de l'énergie pour la contraction musculaire, jouant un rôle important dans le métabolisme énergétique basal et l'effort physique. La capacité du muscle à utiliser l'acétate dépend de l'activité physique et de l'entraînement. Des chevaux bien entraînés sont plus aptes à utiliser l'acétate comme source énergétique que des chevaux non entraînés.
Aspects pathologiques liés au métabolisme des AGV
Des perturbations du métabolisme des AGV peuvent engendrer diverses pathologies chez le cheval.
Acidose lactique et acidose métabolique
Une surproduction d'acide lactique, souvent due à une alimentation riche en glucides rapidement fermentables, peut entraîner une acidose lactique. L'acidose métabolique, un déséquilibre acido-basique systémique, peut également résulter de désordres dans le métabolisme des AGV. Ces situations peuvent avoir des conséquences graves, nécessitant une intervention vétérinaire rapide. Une acidose lactique peut engendrer une baisse du pH sanguin, inférieure à 7,35. La production d'acide lactique est d'environ 1,5 à 2 mmol/kg de poids corporel par heure pendant une activité intense.
Colique
Des déséquilibres dans la production et le métabolisme des AGV peuvent contribuer au développement de coliques. Une fermentation excessive, une dysbiose intestinale ou une altération de l'absorption des AGV peuvent perturber la fonction digestive et augmenter le risque de coliques. Les coliques représentent la deuxième cause de mortalité chez les chevaux.
Laminite
La laminite est une affection inflammatoire grave affectant les sabots. Bien que le rôle exact des AGV dans la pathogénie de la laminite ne soit pas encore entièrement compris, des hypothèses suggèrent que des déséquilibres dans leur métabolisme pourraient y contribuer en modifiant l'environnement tissulaire et en favorisant des processus inflammatoires. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour éclaircir ce lien complexe.
En conclusion, la compréhension approfondie du métabolisme des AGV chez le cheval est fondamentale pour optimiser sa santé et sa performance. Des recherches futures devraient se concentrer sur les interactions complexes entre le microbiote intestinal, le régime alimentaire et le métabolisme des AGV, pour développer des stratégies nutritionnelles plus précises et efficaces.